Francis Blanche /mus: Serge Soudoplatoff
Elle était jeune fille,
Sortait tout droit de son couvent,
Innocente et gentille,
Qui n'avait pas seize ans.
Le jeudi, jour de visite
Elle venait chez ma mère
Et elle nous chantait la Truite,
La Truite de Schubert.
Un soir de grand orage,
Elle dût coucher à la maison,
Or, malgré son jeune âge,
Elle avait de l'obstination.
Et, pendant trois heures de suite
Au milieu des éclairs,
Elle nous a joué la Truite,
La Truite de Schubert.
On lui donna ma chambre.
Moi, je couchai dans le salon.
Mais je crus bien comprendre
Que ça ne serait pas long.
En effet elle revint bien vite,
Pieds nus dans les courants d'air,
Pour me jouer la Truite,
La Truite de Schuhert.
Ce fut un beau solfège,
Pizzicati coquins
Accords, trémolos et arpèges,
Fantaisies à quatre mains.
Mais à l'instant où tout s'agite,
Sous l'ardent aiguillon de la chair,
Elle fredonnait la Truite,
La Truite de Schubert.
Je lui dis " Gabrielle,
Enfin, comprenez mon émoi,
Il faut être fidèle
Ce sera Schubert ou moi ".
C'est alors que je compris bien vite,
En lisant dans ses yeux pervers,
Qu'elle me réclamait la suite,
La suite du concert.
Six mois après l'orage,
Nous fûmes dans une situation
Telle que le mariage
Etait la seule solution...
Mais avec un air insolite,
Au lieu de dire " oui " au Maire,
Elle lui a chanté la Truite,
La Truite de Schubert.
C'est fou ce que nous fîmes
Contre cette obsession,
On mis Gabrielle au régime
Lui supprimant le poisson.
Mais, par un journée maudite,
Dans le vent l'orage et les éclairs
Elle mit au monde une truite,
Qu'elle baptisa " Schubert ".
A présent je vis seul, tout seul dans ma demeure.
Gabrielle est partie et n'a plus sa raison
Dans sa chambre au Touquet elle reste des heures
Devant un grand bocal où frétille un poisson.
Et moi, j'ai dit à Marguerite,
Qui est ma vieille cuisinière
" Ne me servez plus jamais de Truite
Ça me donne de l'urticaire " !
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